Le texte complet du jugement de la Haute Cour à Londres rendu le 3 mai 2005:

JUGEMENT
(approuvé par la Cour)


  1. MONSIEUR LE JUGE EADY : Il s'agit d'une demande en réparation engagée en vertu de la procédure de résolution sommaire visée aux articles 8 à 10 de la loi anglaise sur la Diffamation (Defamation Act 1996). L'avis de demande a pour objet l'obtention d'une ordonnance pour le compte des demandeurs, exigeant (1) une évaluation des dommages à effectuer conformément aux règles de cette procédure ; (2) une attestation indiquant que les déclarations incriminées faites au sujet des demandeurs étaient mensongères et diffamatoires ; (3) une ordonnance exigeant que les défendeurs publient ou fassent publier un correctif ainsi que des excuses appropriées comme le prévoit ce cadre juridique ; (4) le paiement provisoire de dépens à titre d'acompte.

  2. Le fondement de la demande se trouve naturellement dans le texte juridique. Les demandeurs soutiennent que les défendeurs n'ont aucune chance réelle de contester la demande avec succès. Les demandeurs ne connaissent aucune autre raison pour laquelle la résolution de leur demande devrait attendre un procès.

  3. La demande est appuyée par une déposition détaillée de Cherif Sedky qui est le conseiller juridique des demandeurs, et cette déposition constitue une grande partie des pièces présentées au tribunal. En outre, les demandeurs ont chacun fait des dépositions importantes, répondant personnellement de front aux allégations faites à leur encontre.

  4. Je suis convaincu que le formulaire de demande a été signifié aux défendeurs. Mieux encore, il est évident que Dr Rachel Ehrenfeld, la première défenderesse, est au courant de la demande car elle la mentionne dans la préface de la nouvelle édition de son livre dont il sera question d'ici peu.

  5. Je propose d'adopter pour les trois demandeurs les mêmes initiales d'identification qu'avait adoptées Cherif Sedky dans sa deuxième déposition en date du 18 février, et j'espère que ces abréviations ne seront en aucun cas jugées discourtoises.

  6. Le premier demandeur est Khalid Ben Mahfouz (KBM) et le deuxième demandeur est son fils, Abdul Rahman Ben Mahfouz (ARBM). Le troisième demandeur est également le fils du premier demandeur, Sultan Ben Mahfouz (SBM).

  7. Les demandeurs sont tous des hommes d'affaires connus qui ont d'importants avoirs commerciaux et financiers en Arabie saoudite et dans d'autres pays. Leurs intérêts couvrent un grand nombre d'investissements divers, notamment dans les secteurs de l'énergie et de l'immobilier et dans des établissements financiers.

  8. KBM est le deuxième fils du fondateur de la National Commercial Bank of Saudi Arabia (NCB). Il a participé à la gestion de la NCB entre 1990 et juillet 1992, finissant son mandat en tant que Directeur de l'exploitation. Il a alors démissionné de la banque, mais y est revenu pour occuper le poste de Président de l'été 1996 à août 1999.

  9. ARBM a pris le poste de Directeur général adjoint le 12 septembre 1997, puis celui de Président adjoint du comité exécutif le 27 juillet 1998. Il a occupé ces postes jusqu'en août 1999, lorsque son père a vendu 50 pour cent de la NCB au gouvernement saoudien afin de préparer la banque à son premier appel public à l'épargne.

  10. ARBM et SBM ont siégé au conseil d'administration de la NCB jusqu'en décembre 2002, date à laquelle la famille a vendu sa participation restante.

  11. Il est également important de noter, dans le cadre de la présente action, que jusqu'à récemment ARBM et SBM étaient les propriétaires ultimes de Nimir, une compagnie d'exploration et de production pétrolière dont le siège social est sis au 1 Knightsbridge, à Londres. Ils ont vendu leur participation dans Nimir le 4 août 2004.

  12. Après cette brève présentation des demandeurs, je me tourne maintenant vers la première défenderesse, Dr Rachel Ehrenfeld. Elle a affirmé être « la plus éminente experte mondiale en matière de narcoterrorisme… et une reporter et consultante recherchée, spécialisée dans les problèmes du terrorisme internationale ». Elle est la directrice d'un organisme s'appelant l'American Centre for Democracy.

  13. Le second défendeur, Bonus Books Incorporated, est une maison d'édition américaine. Le livre qui fait l'objet de la présente action en diffamation s'intitule « Funding Evil, How Terrorism is Financed - And How to Stop it ». La première défenderesse est l'auteur dudit livre, tandis que le second défendeur en est la maison d'édition.

  14. En décembre 2003, les demandeurs ont appris que le livre était publié en Angleterre et au pays de Galles et qu'il contenait des allégations diffamatoires à leur sujet. Le livre était vendu par le biais de détaillants en ligne comme Amazon.co.uk, Blackwells.co.uk et Amazon.com.

  15. Les demandeurs ont également découvert que le premier chapitre du livre était accessible indépendamment sur le site Web d'ABC News. Le cabinet d'avocats des demandeurs, Kendall Freeman, a envoyé aux défendeurs une lettre de préavis en date du 23 janvier 2004 pour exposer la nature de la plainte des demandeurs. Cette lettre indiquait que les demandeurs étaient prêts à renoncer à leur plainte si les défendeurs acceptaient de prendre les engagements y étant précisés. Il est important de ne pas oublier ce fait à la lumière de certaines allégations faites ensuite à leur sujet par la première défenderesse, allégations auxquelles je reviendrai en temps voulu.

  16. Je vais maintenant considérer la nature des allégations qui ont été faites dans le livre et font l'objet de cette plainte. Comme l'indique Cherif Sedky, celles-ci sont extrêmement graves et diffamatoires. Le livre allègue que la famille Ben Mahfouz est l'un des principaux sponsors d'Al-Qaida et d'autres organisations terroristes. Il allègue également que la NCB, qui a été détenue par la famille Ben Mahfouz, servait de filière pour le financement d'Al-Qaida. Le livre affirme, de surcroît, qu'en 1999 le gouvernement saoudien avait effectué un audit de la NCB et de Khaled Ben Mahfouz, qui avait révélé que, sur une période de dix ans, la NCB avait canalisé de l'argent vers des associations caritatives servant de façades à Al-Qaida.

  17. Cherif Sedky considère, assez normalement, que toute personne en possession d'informations de base sur la NCB saurait que la relation établie dans le livre avec le financement du terrorisme visait les trois demandeurs de la présente demande, puisque ceux-ci étaient les principaux membres de la famille participant à la gestion de la banque, comme je l'ai décrit plus haut.

  18. La signification que les demandeurs attribuent personnellement aux allégations publiées est précisée au paragraphe 8 de l'Exposé de la demande comme suit : (1) Que les demandeurs ont soutenu et participé à des activités terroristes ; (2) Que les demandeurs étaient parmi les principaux financiers du terrorisme, versant des millions de dollars à Al-Qaida et d'autres organisations terroristes ; (3) Que le premier demandeur avait versé des dizaines de millions de dollars sur des comptes à Londres et New York détenus par des terroristes impliqués dans les attentats à la bombe des ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie en 1998, qui ont fait 254 morts et 4000 blessés ; (4) Que le premier demandeur avait fourni de l'argent pour parrainer Al-Qaida, le Hamas et le Hezbollah dans leur campagne d'atrocités terroristes ; (5) Que le premier demandeur, en tant que Président-directeur général de la National Commercial Bank, avait aidé et/ou organisé la canalisation des fonds par ladite banque en vue de financer et de soutenir le terrorisme, y compris l'expansion du réseau Al-Qaida à travers le monde ; (6) Que les deuxième et troisième demandeurs, en tant que membres du conseil d'administration de la NCB, avaient aidé et/ou approuvé le financement du terrorisme par la NCB, notamment le financement de l'expansion du réseau Al-Qaida à travers le monde.

  19. La plainte initiale a donné suite à un échange de correspondance qui a été produite à titre de pièces justificatives et qui a été soumise au tribunal aujourd'hui. Je me contenterai de dire que les défendeurs n'ont fourni aucune réponse satisfaisante, et que des poursuites ont été entamées le 30 juin de l'an dernier. Le 9 septembre, Monsieur le juge Fontaine a rendu une ordonnance en faveur des demandeurs, les autorisant à signifier une demande hors du territoire du tribunal. Conformément à cette ordonnance, le formulaire de demande et l'exposé de la demande ont été signifiés à la première défenderesse le 21 octobre dernier et au second défendeur le 6 octobre dernier. Des déclarations assermentées de huissiers de justice américains ont été soumises au tribunal, confirmant que lesdits documents avaient été signifiés aux défendeurs.

  20. À un certain moment, les défendeurs étaient représentés par un cabinet d'avocats, Morgan Lewis, qui a ensuite été démis de ses fonctions, et les défendeurs n'ont pas accusé réception de la notification des poursuites en question.

  21. Les demandeurs ont donc obtenu un jugement par défaut et une injonction à l'encontre des défendeurs par le biais d'une ordonnance rendue par mes soins le 7 décembre dernier. Cette ordonnance a été signifiée aux deux défendeurs le 30 décembre et 17 décembre respectivement. Une fois encore, des preuves de la signification de cette ordonnance ont été soumises au tribunal sous forme de déclarations assermentées faites par des huissiers de justice américains.

  22. Il semble que depuis le 1er juillet 2003, 23 copies sur papier du livre ont été vendues au sein du territoire relevant du présent tribunal. Je devrais peut-être préciser que ce nombre exclut les copies obtenues par les conseillers des demandeurs dans le cadre de cette action. Cependant, comme je l'ai déjà indiqué, le premier chapitre de ce livre était indépendamment disponible sur le site Web www.ABCnews.com. Un imprimé de ce site Web est produit devant moi aujourd'hui à titre de preuve.

  23. Après de nombreux efforts, les avocats des demandeurs n'ont pas réussi à établir le nombre de hits dont a fait l'objet le chapitre 1 du livre sur Internet. Le 28 juin dernier, une conversation a eu lieu avec une conseillère juridique d'ABC Inc qui a confirmé qu'ABCnews.com ne disposait pas de la technologie requise pour fournir ces informations. Néanmoins, il semble que le nombre de hits enregistrés sur ABCnews.com au niveau mondial représente plus de 14 millions de visiteurs uniques par mois. En outre, Hill and Knowlton, les représentants en relations publiques des demandeurs, ont dit à Cherif Sedky que, selon des informations fournies par une société spécialisée dans la mesure d'audience sur Internet, Nielsen Net Ratings, le nombre total de hits enregistrés sur le site Web d'ABCnews.com provenant du Royaume-Uni en mars 2004 représentait 211000 visiteurs uniques. On nous demande donc d'en conclure qu'une proportion importante de ces 211000 visiteurs britanniques aura accédé aux pages pertinentes.

  24. Il doit être précisé, à ce stade-là, que la position des demandeurs dans cette affaire est entièrement conforme à leurs déclarations et actions passées lorsque de telles allégations ont été faites à leur encontre. J'estime qu'il est juste de dire qu'ils ont tout fait pour démontrer la nature mensongère des allégations et défendre leur réputation.

  25. Sur ce territoire, on peut naturellement se défendre intégralement contre une action en diffamation en établissant par prépondérance de la preuve que les allégations diffamatoires étaient, en substance, vraies. Les demandeurs ont indiqué qu'ils étaient prêts à répondre à une telle défense au fond. Comme on pouvait s'y attendre, personne n'a jamais présenté de tels moyens de défense ou d'éléments à même d'étayer un plaidoyer de justification. Il existe, bien entendu, d'autres moyens de défense pouvant être présentés en vertu des lois anglaises sur la diffamation, comme l'immunité relative conformément à de vieux principes de common law, développée et complétée par la Chambre des lords il y a près de six ans dans l'affaire opposant Reynolds à Times Newspapers Limited.

  26. Les présentes poursuites constituent, en fait, les seules mesures que peuvent utiliser les demandeurs sur ce territoire, puisque les auteurs des allégations à leur sujet se gardent de répondre à leurs approches. Les demandeurs n'ont jamais tenté d'empêcher quiconque de présenter une défense au fond.

  27. J'aimerais maintenant invoquer le témoignage du premier demandeur, contenu dans une déposition du 31 juillet dernier. Je n'ai pas l'intention d'en lire l'intégralité, mais uniquement les extraits suivants :

    « En résumé, le livre allègue qu'avec mes deux fils, je suis l'un des principaux sympathisants d'Oussama Ben Laden et de son réseau terroriste Al-Qaida. Il affirme, en outre, que je fournis un tel soutien notamment en contribuant par des millions de dollars à l'expansion de la campagne de terrorisme et d'atrocités, menée par Ben Laden et Al-Qaida.

    Ces allégations sont toutes complètement fausses. Je ne suis, ni n'ai jamais été, impliqué ou associé au parrainage d'Al Qaida, et n'ai jamais sciemment financer des activités terroristes de quelque nature que ce soit, et je conteste avec véhémence ces allégations. Les Nations unies, l'Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis n'ont jamais indiqué, sur un rapport ou une liste quelconque, que j'étais impliqué dans le soutien du terrorisme. Ma famille et moi abhorrons et condamnons sans ambiguïté tous les actes de terrorisme.

    Ma famille et moi avons des intérêts commerciaux dans le monde entier. En ma qualité de banquier, j'estime être bien connu du monde financier britannique. Ma famille et moi possédons cinq résidences ici. Mes fils détiennent actuellement Nimir Petroleum Limited [cette situation a changé, comme je l'indiquais ci-dessus, depuis la préparation de la présente déposition], une société immatriculée en Angleterre (qu'ils sont en train de vendre). Ma réputation au Royaume-Uni et celle de ma famille ont, pour moi, une grande importance. »

    Il a ensuite précisé les mesures antérieures qu'il a dû prendre concernant des allégations similaires faites par d'autres personnes.

  28. Le premier demandeur a conclu en disant :

    « Les allégations faites à mon sujet dans ce livre sont d'une extrême gravité et sont hautement préjudiciables à mon égard, sur le plan personnel et professionnel, notamment dans le climat mondial actuel. Comme on peut se l'imaginer, ces allégations ont été pour moi (et ma famille) une cause de grande détresse personnelle ».

  29. Il est, selon moi, inutile, dans le cadre de ce jugement, que je lise des extraits des témoignages des deux autres demandeurs. Je me contenterai de dire qu'ils ont un effet similaire. Il est donc important de préciser que ces demandeurs n'invoquent pas la présomption de fausseté qui existe dans les lois anglaises sur la diffamation. Ils ont fourni à la Cour des moyens de preuve qui contestent catégoriquement les allégations faites à leur sujet, vu la signification qu'ils en ont tiré, comme je l'ai lu ci-dessus.

  30. Je propose maintenant de mentionner ce qu'a dit la première défenderesse, dans une action actuellement en instance à New York, sur les voies de droit prises par les demandeurs sur le territoire relevant du présent tribunal. Je fais référence au paragraphe 24 de la procédure en instance opposant Ehrenfeld à Khalim Salem Ah Ben Mahfouz comme suit :

    « Le résultat net de cet abus des voies de droit est que [le] défendeur à la fois dissimule la vérité de ces actions derrière l'écran des lois anglaises sur la diffamation et décourage sérieusement les enquêtes légitimes menées de bonne foi sur son comportement et ses liens avec le terrorisme. »

  31. À la lumière de ce que j'ai déjà dit sur l'action des demandeurs engagée sur ce territoire et le maintien d'une position uniforme dans les poursuites engagées ici, on peut penser que ce bref résumé à l'attention du tribunal de New York est tendancieux et plutôt une présentation erronée des faits. Les demandeurs ne se cachent aucunement et sont tout à fait disposés à répondre de front à ces défendeurs, comme à d'autres, sur le fond des allégations faites à leur encontre.

  32. J'aimerais également mentionner quelque chose d'autre qu'a dit la première défenderesse dans la nouvelle préface de son livre qui a récemment été publié sur ce territoire, je crois, et ailleurs. Vu la réputation que s'attribue la première demanderesse, il est nécessaire d'en tenir compte. Vers la fin de cette préface (datée novembre 2004), elle dit ce qui suit :

    « Le 19 octobre 2004, Khaled Ben Mahfouz a engagé une action pour diffamation à mon encontre devant un tribunal britannique. En dépit des coûts énormes occasionnés, j'ai décidé de lancer, par moi-même, un défi à Khaled Ben Mahfouz et de fournir au tribunal britannique la preuve que lui, la Muwafaq Foundation et la NCB soutiennent en fait Al-Qaida et le HAMAS.

    Ma mise en cause de Ben Mahfouz aura des répercussions encore plus importantes puisque Prince Turki, l'ambassadeur saoudien posté à Londres, aurait dit récemment qu'il était important que Ben Mahfouz gagne car il « nous représente tous » [l'Arabie saoudite et la Famille royale]. »

  33. Dr Ehrenfeld a conclu sa nouvelle préface en disant que c'était un livre que « les Saoudiens ne veulent pas que vous lisiez ». Pour mémoire, il est donc important de noter qu'en ce jour du 3 mai 2005, ni elle ni le second défendeur n'ont présenté de preuve à cet effet.

  34. J'ai déjà mentionné des poursuites antérieures entamées par les demandeurs sur le territoire soumis au présent tribunal. Comme le décrit Cherif Sedky dans sa déposition, des mesures ont été prises pour défendre leur réputation comme en illustrent les exemples ci-après.

  35. Premièrement, KBM a engagé une action en diffamation, entre autres, contre Associated Newspapers Limited, la société qui publie le journal du dimanche Mail on Sunday. Cette action s'est terminée par la lecture d'une déclaration en audience publique le 13 janvier 2004. Les défendeurs y ont reconnu que les graves allégations diffamatoires accusant KBM de soutenir ou de financer les activités terroristes d'Oussama Ben Laden étaient « absolument fausses ». Le journal a convenu de verser à KBM d'importants dommages-intérêts et les dépens.

  36. Deuxièmement, KBM, en association avec Nimir, a engagé une action en diffamation contre la maison d'édition, Pluto Press, et l'auteur, Michael Griffin. Cette action s'est terminée par la lecture d'une déclaration en audience publique le 15 mars 2004, dans laquelle les défendeurs en question ont offert des excuses complètes et d'importants dommages-intérêts suite à la publication du livre intitulé « Reaping the Whirlwind ». Ce livre avait, lui aussi, allégué que KBM finançait et soutenait Oussama Ben Laden et Al-Qaida. Troisièmement, le 24 avril 2003 KBM et ARBM ont entamé des poursuites judiciaires contre Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, les deux auteurs de l'ouvrage intitulé « Forbidden Truth - Talaban's Secret Oil Diplomacy and Failed Hunt for Bin Laden » (« Ben Laden – la vérité interdite »). Leur livre avait fait de très graves allégations au sujet de KBM et d'ARBM, affirmant qu'ils soutenaient le terrorisme et, notamment, Oussama Ben Laden. Monsieur Dasquié n'a pas accusé réception de la signification de l'action, et KBM et ARBM ont donc obtenu un jugement par défaut à son encontre. L'affaire contre Monsieur Brisard n'est pas terminée, mais il semble qu'il ne défende pas l'affaire sur le fond, mais uniquement en s'appuyant sur le fait qu'il n'avait pas autorisé la publication de l'ouvrage sur le territoire soumis au présent tribunal.

  37. Ensuite KBM a engagé une action en diffamation contre Monsieur Brisard et deux de ses sociétés relativement à des allégations faites dans un rapport préparé par ses soins et publié sur un site Web, www.JCBConsulting.com. Ce rapport répétait au sujet de KBM des allégations diffamatoires similaires à celles qui avaient été faites dans son livre. Il alléguait que KBM était l'un des principaux parrains privés saoudiens d'Al-Qaida et de Ben Laden, et que Ben Laden était le beau-frère de KBM, ce qui est faux.

  38. Le 30 janvier 2004, KBM a obtenu une ordonnance rendant un jugement par défaut contre tous les défendeurs de cette action en l'absence de réponse de leur part. L'ordonnance interdisait la publication des termes diffamatoires du rapport au sein du territoire soumis au présent tribunal, et une audience convoquée au titre des articles 8 à 10 de la Defamation Act a eu lieu le 1er juillet dernier, pendant laquelle j'ai fixé les dommages-intérêts à 10000 GBP. J'ai également fait une déclaration de propos mensongers conformément à ce cadre juridique, indiquant que les allégations diffamatoires faites par Monsieur Brisard dans le rapport étaient fausses. J'ai également rendu, à cette occasion, un jugement provisoire d'attribution des dépens d'un montant de 30000 GBP. Une fois encore, conformément au cadre juridique, la Cour a ordonné aux défendeurs de publier un correctif et des excuses.

  39. Dans sa déposition, Cherif Sedky explique l'impact qu'ont eu les allégations sur les demandeurs, un point déjà abordé par eux en tant qu'individus dans leurs propres témoignages. Il a indiqué que Nimir avait récemment rencontré de grandes difficultés à obtenir auprès d'établissements bancaires les fonds nécessaires pour faire des acquisitions. Ces difficultés semblent découler directement du fait que ARBM et SBM en sont propriétaires, ce qui inquiète les banques. Après avoir lui-même participé aux discussions avec les banques, Cherif Sedky confirme que leurs inquiétudes ont été déclenchées par l'existence des allégations sur le terrorisme, indépendamment de l'absence de fondement de ces accusations. Il me dit être certain de pouvoir établir que ces inquiétudes proviennent d'allégations telles que celles qui sont faites dans le livre. Tout comme les demandeurs, il invoque les relations importantes qu'entretiennent ces derniers au sein du Royaume-Uni. Il confirme que leur réputation dans ce pays est importante pour eux et qu'il ne s'agit pas, comme l'a soutenu la première défenderesse dans le passé, d'une pratique de « forum shopping » visant à choisir le mode de règlement de litige le plus favorable.

  40. C'est pour ces raisons que les demandeurs redoutent de nouvelles publications de ces allégations au sein du territoire soumis au présent tribunal et craignent que ces allégations continuent à nuire à leur réputation. Pour eux, il est important de défendre leur réputation par le biais d'une voie de droit et, en particulier, d'obtenir une déclaration de propos mensongers intervenant à la lumière des témoignages présentés à la Cour.

  41. Dans le contexte de la demande d'une déclaration de propos mensongers, tant l'avocat des demandeurs, lors de l'audience d'aujourd'hui devant moi, que Cherif Sedky, dans son témoignage, ont abordé les arguments potentiels d'un plaidoyer de justification. Aucun n'a naturellement été soulevé, mais, comme je l'ai déjà souligné, les demandeurs ne se résignent pas à se contenter de la présomption de fausseté. Ils ont fait tous les efforts possibles pour répondre de front aux allégations à la lumière des informations qu'ils avaient à leur disposition.

  42. À une certaine époque, le cabinet Mishcon De Reya représentait les défendeurs, et dans une lettre du 5 mars 2004, celui-ci a présenté ce qui était conçu comme un plaidoyer de justification potentiel à ce stade de la procédure. Dans cette lettre, il y avait une rubrique intitulée « Arguments sur le fond », et Cherif Sedky a essayé de répondre à ces paragraphes spécifiques. Je vais également les invoquer brièvement pour préciser le point de vue des demandeurs à l'égard de chacun des arguments.

  43. Selon le premier point repris pour le compte des défendeurs, les demandeurs avaient été cités dans diverses poursuites civiles entamées aux États-unis pour le compte des familles des victimes des attaques du 11 septembre 2001 contre le World Trade Centre. La réponse des demandeurs à cet égard est la suivante : SBM n'a pas été cité défendeur dans ces poursuites. Bien que KBM et ARBM aient été cités ainsi, aucune décision matérielle ne devrait être prise dans un avenir prévisible et ne le sera peut-être pas pendant plusieurs années. KBM et ARBM se sont vigoureusement défendus contre ces poursuites et, en fait, aussi récemment que le 18 janvier dernier, ARBM a réussi à faire rejeter l'une des prétentions. Une copie du jugement en cause rendu par Monsieur le Juge Casey ( ?) fait partie des preuves qui m'ont été présentées, et j'ai eu la possibilité de l'examiner. KBM a fait une demande de rejet pour motifs similaires, qui n'a cependant pas encore été entendue. Étant donné l'état des choses actuel, les demandeurs cherchent à souligner le fait qu'aucune organisation publique nationale ou internationale n'a jamais indiqué, dans un rapport ou une liste quelconque se rapportant au terrorisme, que KBM, ARBM ou SBM était impliqué dans le soutien d'activités terroristes. Comme je l'ai déjà précisé, ces organisations incluent les Nations unies, l'Union européenne, les États-Unis et le Royaume-Uni.

  44. Le deuxième point repris pour le compte des défendeurs était simplement l'affirmation selon laquelle KBM avait donné de l'argent à un certain nombre d'associations caritatives qui sont présumées avoir des liens avec Al-Qaida. Les demandeurs ont répondu de la façon suivante : ils n'admettent pas avoir donné de l'argent à toutes les associations énumérées dans la lettre des défendeurs mais, même si c'était le cas, cela ne prouverait pas que les demandeurs, ou l'un d'eux, finançaient sciemment des activités terroristes. Il semble d'ailleurs que Monsieur le Juge Casey ait débouté certains des défendeurs des actions civiles américaines précisément pour ces motifs. KBM a admis publiquement avoir donné de l'argent à la Muwafaq Foundation lors de sa création, mais il n'a jamais participé à la gestion de cette association.

  45. Cette association avait été établie pour soulager les maladies, la faim et l'ignorance et à d'autres fins humanitaires. C'est à ces fins véritablement charitables que KBM a effectué des dons. Pendant son existence, Muwafaq a travaillé avec de nombreux autres organismes du monde entier ayant une bonne réputation, y compris l'Unicef, le Programme alimentaire mondial, Save the Children, le HCR, l'UCJG et plusieurs autres organismes humanitaires. L'association Muwafaq a été dissoute il y a un certain temps déjà, entre 1996 et 1998. Il faut également constater, selon les demandeurs, que ni les Nations Unies, ni l'Union européenne, ni les États-Unis, ni le Royaume-Uni, ni aucun autre gouvernement n'ont jamais inclus Muwafaq sur leurs listes d'organismes soupçonnés de soutenir le terrorisme.

  46. Le troisième point invoqué pour le compte des défendeurs consistait en une allégation selon laquelle l'ancienne secrétaire d'État américaine, Madeleine Albright, avait informé le ministre de la Défense saoudien, Prince Sultan, que KBM avait déposé des millions de dollars sur des comptes de terroristes à Londres et à New York, des comptes appartenant aux mêmes terroristes impliqués il y a plusieurs années de cela dans les attentats à la bombe contre les ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie. Pour cette allégation, les défendeurs se sont appuyés, semble-t-il, sur un article publié par un certain Kevin Dowling, la source de cette déclaration. En effet, cet article est bien identifié dans la note en bas de page 80 du livre comme la provenance de cette allégation.

  47. La réponse des demandeurs est comme suit : le cabinet d'avocats des demandeurs, Kendall Freeman, a contacté M. Dowling qui a confirmé dans une lettre du 19 mars 2004, présentée aujourd'hui comme preuve devant la Cour, que cette déclaration était complètement fausse, de même que d'autres qu'il avait également faites, et, de plus, qu'il n'avait jamais eu l'intention de faire publier l'article en question. En dépit de cela, il on apprend maintenant que, dans la dernière édition de son livre, la première défenderesse continue de citer Kevin Dowling comme la source de cette allégation concernant Madeleine Albright. La note en bas de page 80 reste, en fait, inchangée dans la nouvelle édition de cet ouvrage.

  48. L'avocat des demandeurs suggère que ce fait peut jeter un doute sur l'objectivité et la soi-disant intégrité académique de la défenderesse. Il ne m'appartient pas de rendre un jugement définitif à ce sujet, mais il est juste de consigner ces faits dans le présent jugement car les demandeurs ont fait tout leur possible pour démentir cette allégation spécifique, qui semble revêtir une certaine autorité puisqu'elle est attribuée à Madeleine Albright. La source, cependant, s'est en fait évanouie.

  49. Le quatrième point introduit pour le compte des défendeurs est fondé sur la participation de KBM dans la BCCI. Il est affirmé que ce point suffirait à associer KBM au terrorisme. Les demandeurs ont, une fois encore, donné une réponse de fond à cette allégation : La relation de KBM avec la BCCI ne l'implique en aucun cas dans le financement du terrorisme. Les accusations portées contre KBM n'étaient en aucun sens et en aucun cas aussi graves que celles portées contre la BCCI elle-même. Il n'a, par exemple, jamais été accusé d'être impliqué dans le blanchiment d'argent, les malversations, les ventes d'armes et le financement d'activités terroristes, allégués. Il a été, pendant peu de temps, un administrateur non exécutif de la banque. Si tant est qu'il ait été visé par des allégations à la suite de la faillite de la BCCI, elles concernaient la manière dont il avait acheté et vendu ses actions dans la banque. Ces allégations ont été réglées sans admission de sa part.

  50. Dans une remarque secondaire, les défendeurs invoquent les conclusions faites dans un rapport présenté au Comité sur les relations étrangères du sénat américain, « The Report to the Committee on Foreign Relations of the United States Senate », par les sénateurs Kerry et Brown à propos de l'affaire de la BCCI. Le représentant des demandeurs indique que KBM n'est mentionné qu'une seule fois au chapitre 4 de ce rapport qui traite des allégations faites contre la BCCI. Cette référence mentionne brièvement l'achat d'actions dans la BCCI par KBM et n'est pas critique à son égard, et le rapport n'allègue pas que KBM était lui-même impliqué dans le parrainage d'activités terroristes internationales.

  51. Les demandeurs répondent ainsi de leur mieux à un groupe d'allégations faites pour le compte des défendeurs. Depuis qu'un jugement a été rendu contre les défendeurs dans cette action, la première défenderesse a déposé une plainte contre KBM (seulement) au tribunal de première instance américain de New York, United States District Court, Southern District of New York sous le numéro de dossier 04CV9641. La plainte a été déposée le 8 décembre dernier. J'ai déjà brièvement mentionné l'une des allégations qu'elle contient.

  52. Il faut noter que le 8 décembre était le lendemain du prononcé d'un jugement par défaut en Angleterre à l'encontre de la défenderesse. Sa revendication fait valoir deux motifs qui peuvent être résumés comme suit : (1) le jugement par défaut anglais ne peut pas être exécuté aux États-Unis ; et (2) le tribunal américain devrait décider que les allégations faites au sujet de KBM dans le livre ne peuvent pas donner lieu à des poursuites en vertu du droit américain.

  53. Il est intéressant de remarquer que les demandeurs considèrent la continuation de ces poursuites en Angleterre et au pays de Galles utile, nonobstant les poursuites éventuelles en instance aux États-unis, car c'est un mécanisme leur permettant de soutenir leur réputation. Il faut également noter que l'affirmation faite par les défendeurs dans les poursuites aux États-unis (en admettant qu'elles soient réglées à une date ultérieure), ne déterminera pas nécessairement ce qui est vérité ou mensonge, question que les demandeurs ont essayé d'aborder dans la présente action.

  54. Dans ces poursuites, la première défenderesse fait un certain nombre d'allégations, dont certaines reflètent des allégations déjà présagées dans la lettre de son avocat en Angleterre. Une fois encore, les demandeurs ont tenté d'y répondre par l'intermédiaire de Cherif Sedky à la lumière des informations mises à leur disposition.

  55. En premier lieu, elle allègue que KBM, ayant été Directeur général de la NCB, avait apporté son soutien à Oussama Ben Laden et Al-Qaida afin d'exécuter les attaques du 11 septembre, en leur fournissant des millions de dollars dans les années 90. Elle dit que, selon un ancien expert en contre-terrorisme de la CIA, la NCB servait de filière financière avant 1999 pour financer le terrorisme, et la commission de zakat de la banque avait versé à l'Islam Relief Organisation des fonds atteignant la somme de 74 millions USD ; il s'agit d'une association qui aurait été révélée être une façade pour Al-Qaida.

  56. La réponse de KBM à cette grave allégation est comme suit : il n'est pas, et n'a jamais été, impliqué ou associé au parrainage d'Al-Qaida ou de toute autre organisation terroriste. Il répète qu'aucune organisation publique, nationale ou internationale, ne l'en a jamais accusé, en dépit des enquêtes qui ont été menées, avec une intensité redoublée, dans de telles affaires depuis le 11 septembre 2001.

  57. Les défendeurs semblent s'appuyer sur un audit saoudien présumé de la NCB en 1999. Il est affirmé que cet audit révèle le versement de paiements à des associations caritatives ayant des liens avec le terrorisme. En fait, les demandeurs soulignent qu'il n'y a aucune preuve de l'existence d'un tel audit. Selon Cherif Sedky, si les défendeurs avaient vérifié auprès des demandeurs ou de la NCB ou avaient fait des recherches journalistiques de base, ils auraient alors découvert qu'il y avait eu de nombreux démentis sur l'existence de cet audit par la NCB. Et aucune preuve n'a été présentée pour contredire ces démentis.

  58. Lors de déclarations officielles, les cadres supérieurs de la NCB ont démenti avec véhémence l'existence d'un tel audit, et dans un article publié dans le Chicago Tribune le 28 octobre 2001, un cadre de la NCB a dit : « Je peux vous assurer absolument et catégoriquement qu'un tel audit n'a pas été effectué… Il n'a jamais eu lieu. »

  59. Le correctif officiel suivant a également été publié dans le Washington Post le 3 mars 2002 :

    « Un représentant de Mahfouz a également démenti… qu'un audit de la banque saoudienne dont il était administrateur avait révélé des liens avec des associations caritatives contrôlées par Ben Laden ».

    En outre, USA Today a imprimé un correctif concernant un article publié le 29 octobre 1999 et intitulé « Saudi Money Aiding Bin Laden » (Ben Laden reçoit des fonds saoudiens). Ce correctif confirmait que le quotidien américain « avait été incapable de trouver une confirmation écrite d'un tel audit et n'avait aucune raison de penser qu'un tel audit avait été effectué ». Elle indiquait également que l'article contenait des « erreurs » et que « dans cette affaire, les assertions avaient été faites par beaucoup, puis rétractées par certains ». Tous ces correctifs m'ont été présentées à titre de preuve.

  60. Ce sont donc les preuves rassemblées en ce jour. Il est, une fois encore, reconnu que KBM a donné de l'argent à Muwafaq, une association que le ministère des Finances des États-Unis qualifie de façade pour Al-Qaida.

  61. Les défendeurs s'appuient également sur l'argument qu'en 1995 Oussama Ben Laden avait identifié Muwafaq comme l'une des sources de financement d'Al-Qaida. Là aussi, la réponse de KBM est la même que sa réponse de fond aux allégations se rapportant à Muwafaq, qui est déjà examinée ci-dessus dans le contexte de la lettre de Mishcon De Reya.

  62. Il est juste de dire que la première défenderesse n'a produit aucune autre preuve venant à l'appui de son accusation selon laquelle Ben Laden aurait identifié Muwafaq comme l'un des financiers d'Al-Qaida. Il ne s'agit, de toute évidence, que d'une simple affirmation.

  63. Lorsque la défenderesse s'appuie sur le fait que KBM était un administrateur et actionnaire principal de la BCCI, la réponse de KBM est la même que sa réponse à l'allégation faite par Mischon De Reya et citée plus haut.

  64. Cherif Sedky estime donc que les défendeurs n'ont mentionné aucun point qui puisse justifier, d'une façon ou d'une autre, les allégations faites dans le livre, et les demandeurs sont prêts à démontrer le manque de fondement de tout plaidoyer de justification que les défendeurs voudront bien invoquer. Ils n'en ont, cependant, pas eu la possibilité.

  65. L'ordonnance rendue le 7 décembre 2004 a eu un effet de minimisation en ce qui concerne la publication du livre. L'avocat des demandeurs a écrit aux divers détaillants en leur demandant de ne pas publier le livre sur le présent territoire. Il semble que, suite à ces lettres, certains détaillants britanniques ont arrêté de vendre le livre. Cependant, on peut encore se procurer la copie sur papier du livre sur ce territoire par le biais du détaillant en ligne américain, Amazon.com. Il est juste de faire remarquer que les défendeurs n'ont, quant à eux, absolument pas essayé d'observer les ordonnances, alors qu'il est évident que la première défenderesse connaît les dispositions de l'injonction car elle y fait référence dans un article publié dans le Jerusalem Post le 13 décembre dernier.

  66. Cherif Sedky attire l'attention sur la nouvelle édition de poche meilleur marché du livre, que j'ai déjà mentionnée, et notamment sa nouvelle préface. Une copie de ce livre de poche a été obtenue, et il semble que les défendeurs en ont changé la couverture pour incorporer la phrase que j'ai mentionnée plus haut : « Le livre que les Saoudiens ne veulent pas que vous lisiez ». Il semble donc que les défendeurs essaient de tirer profit du fait qu'une action en diffamation a été engagée contre eux sur ce territoire, sans cependant être disposés à présenter une défense au fond.

  67. Ce sont les motifs de base invoqués pour soutenir le besoin de justification et obtenir une autre injonction auprès de la présente Cour.

  68. J'ai mentionné brièvement les poursuites entamées par la première défenderesse aux États-Unis. Il est juste de dire que l'une des principales raisons présentées au tribunal (ces poursuites étant également sous le contrôle de Monsieur le juge Casey), pour lesquelles elle ne présente pas une défense à l'action en Angleterre est son manque de ressources financières pour plaider contre KBM. Cherif Sedky suggère, cependant, que cette raison a moins de poids depuis que la défenderesse a entamé elle-même, aux États-unis, une action potentiellement coûteuse qui pourrait prendre beaucoup de temps.

  69. L'interview accordée par la première défenderesse au Jerusalem Post et publiée le 13 décembre 2004 fait état du fait qu'elle a entamé des poursuites contre KBM aux États-unis et contient l'allégation suivante :

    « Selon le site Web de Mahfouz, celui-ci a obtenu de nombreux jugements par défaut – même contre de petites publications américaines qui ont préféré s'excuser et payer une amende ».

    Cherif Sedky fait remarquer que c'est une description trompeuse des faits, puisque KBM n'a obtenu que deux autres jugements par défaut, contre Guillaume Dasquié et contre les deux sociétés de Monsieur Brisard. Et ceux-ci ont été rendus parce que les défendeurs ne pouvaient présenter aucun moyen de défense dans les actions concernées. Il est injuste de suggérer qu'ils ont été forcés à arriver à un règlement par manque de moyens financiers.

  70. Tous les correctifs obtenus jusqu'ici par KBM sans avoir recours à une action en justice sont accessibles sur le site Web de Ben Mahfouz par tous ceux qui veulent les consulter.

  71. Cherif Sedky a également attiré mon attention sur un article de Caroline Glick publié dans le Jerusalem Post le 19 janvier dernier. Elle y parle de la première défenderesse comme de « la toute dernière victime de Mahfouz » et estime, là encore, que celle-ci n'a pas les moyens financiers suffisants pour se défendre en Grande-Bretagne et qu'elle aurait beaucoup de mal à « sortir victorieuse étant donné que les lois sur la diffamation britanniques favorisent le demandeur ». L'article affirme que : « Mahfouz se sert de sa vaste fortune pour réduire ses critiques au silence en les menaçant de ruine financière et professionnelle ».

  72. Le but de cet exercice est assez évident. En effet, il donne l'impression que tout jugement rendu par un tribunal anglais a peu d'importance et ne fait rien pour établir que les allégations sont mensongères. C'est pourquoi il est si important, comme le reconnaissent les demandeurs, d'étudier les allégations faites à leur encontre dans le passé au nom des défendeurs afin d'en démontrer le manque de fondement. C'est la raison pour laquelle le présent jugement est si détaillé. Il ne s'agit pas simplement d'une procédure officielle, et la déclaration de propos mensongers que je me propose d'octroyer d'ici peu n'est pas un geste vide de sens.

  73. Les demandeurs tiennent à ce qu'il soit bien précisé que les défendeurs ont eu toutes les chances possibles de contester la présente action au moyen d'un plaidoyer de justification s'ils estimaient une telle mesure appropriée. Ils n'ont pu, semble-t-il, avancer que des éléments de nature peu convaincante et peu fiable, dont les demandeurs se sont donnés la peine de démontrer le manque de fondement.

  74. Je considère donc maintenant la réparation qui a été demandée. En premier lieu, j'ai l'intention d'accorder en faveur de chacun des demandeurs le montant maximal de dommages-intérêts permis au titre d'une procédure sommaire telle que visée aux articles 8 à 9 de la Defamation Act 1996. Je le fais pour des raisons évidentes. Les allégations sont très graves, et absolument rien n'a été fait pour réduire l'impact de la publication initiale. On ne laisse naturellement pas entendre que le montant de 10.000 £ représenterait, à la fin d'un procès, la pleine mesure de l'indemnité auquel auraient droit les demandeurs s'ils avaient eu gain de cause, mais c'est le montant maximal permis au titre de la procédure sommaire à laquelle les demandeurs ont décidé d'avoir recours, vu l'attitude des défendeurs.

  75. J'ai l'intention de faire une déclaration de propos mensongers et de confirmer l'existence de l'injonction. Je vais rendre une ordonnance exigeant la liquidation des dépens de la présente action dans le cadre d'une liquidation détaillée, en absence d'un accord, et je vais ordonner le versement d'un acompte de ces dépens, d'un montant de 30.000 £, dans les 28 jours. Les défendeurs pourront, bien entendu, avoir recours en ce qui concerne les ordonnances que j'ai rendues, et je prendrai connaissance de toutes les autres remarques que l'avocat des demandeurs souhaitera faire relativement à l'ordonnance.

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